Nourrir 9 milliards de personnes grâce au big data ?

Titre original : How big data is going to help feed nine billion people by 2050, par Lyndsey Gilpin, traduit de l’anglais par Julien Couaillier

Pour nourrir la future population mondiale, l’agriculture doit produire plus. Le big data1 est l’une des solutions pour les agriculteurs, mais c’est aussi une arme qui pourrait se retourner contre eux.

Un escalier en bois poussiĂ©reux mène au bureau d’une grange, qui surplombe des hectares de champs. Des moissonneuses-batteuses gĂ©antes sont stationnĂ©es dans l’allĂ©e. C’est un jour frais d’avril Ă  Palmyra, dans l’Indiana, un État du Mid-Ouest des États-Unis. Et il y a de forte chance qu’il pleuve. Six hommes sont serrĂ©s autour d’une table, penchĂ©s sur leurs ordinateurs.

Une transaction vient de se terminer. Jeff McGee, un agriculteur indĂ©pendant du cĂ´tĂ© de la rivière Ohio, se fait remettre une boĂ®te en carton contenant un contrĂ´leur de rendement. Il le regarde nerveusement avant de mettre le paquet sous le bras, se demandant comment configurer son compte et oĂą acheter son nouvel iPad. Il donne sa carde de crĂ©dit au vendeur de la Climate Corporation 2 et regarde les chiffres qui se forment sur l’Ă©cran digital du terminal de paiement. Derrière lui, on entend le bruit des doigts qui, tapotant frĂ©nĂ©tiquement sur les claviers, saisissent les rĂ©sultats d’analyses de sol, recueillis plus tĂ´t cette semaine. Une tablette vibre sur le bureau, notifiant que la synchronisation des donnĂ©es dans le cloud est terminĂ©e. Une carte infrarouge d’un champ voisin s’anime sur l’Ă©cran de l’ordinateur, montrant les Ă©volutions des prĂ©cipitations de la semaine dernière.

McGee jette un Ĺ“il autour de lui. MĂŞme s’il semble sceptique, il indique, d’une voix confiante : « Je ne veux pas ĂŞtre le premier Ă  me jeter Ă  l’eau, mais je ne veux surtout pas ĂŞtre le dernier ».

Une poignĂ©e de main Ă©changĂ©e sur le pas de la porte plus tard, Robert Jones, le propriĂ©taire de cette grande exploitation agricole et qui a informĂ© McGee sur cette technologie , ajuste sa salopette de travail et se rassoit, l’air satisfait . C’est un grand jour pour l’industrie agricole.

McGee vient d’entrer dans l’ère de l’agriculture moderne.

Une industrie en transition

Un agriculteur connaît chacune de ses parcelles, chaque mètre carré où les cultures poussent, chaque espèce de ravageurs susceptibles de détruire ses cultures. Le vent, la pluie, la neige, le gel, la chaleur, la poussière. Il connaît les effets de tous ces paramètres.

Mais cette connaissance a tout de mĂŞme une limite. La plupart du temps, un agriculteur n’a pas la main-d’Ĺ“uvre ni le capital pour exploiter et mettre en perspective les donnĂ©es qu’il recueille. Et il n’a franchement pas le temps. Il utilise donc des outils qui existent depuis plus d’une dĂ©cennie: talkies-walkies, fichiers Excel, clĂ© USB pour transmettre ce qu’il peut Ă  un agronome, dont le mĂ©tier est d’optimiser les systèmes de production agricole.

Pendant le boom technologique des dernières dĂ©cennies, le monde agricole a Ă©tĂ© petit Ă  petit initiĂ© aux technologies d’agrĂ©gation de donnĂ©es. John Deere a de plus en plus embarquĂ© des systèmes de donnĂ©es dans leurs machine. Les agriculteurs ont commencĂ© Ă  utiliser des connexions GPS et Internet sur leur ferme et dans leurs moissonneuses-batteuses. Et les grandes exploitations agricoles ont commencĂ© Ă  utiliser des logiciels pour gĂ©rer et planifier leurs activitĂ©s. L’adoption a Ă©tĂ© lente, notamment Ă  cause du manque d’interopĂ©rabilitĂ© entre les diffĂ©rentes solutions utilisĂ©es sur la ferme, aussi bien logicielles que matĂ©rielles.

farm-office4 Jeff McGee achète un abonnement à la Climate Corporation pour suivre ses parcelles dans le Brandebourg, Kentucky. Image: Lyndsey Gilpin/TechRepublic

« On avait presque toutes les pièces du puzzle mais personne n’avait les moyens de les rassembler. Ce faux espoir engendrĂ© par une agriculture avec plus d’informatique a gĂ©nĂ©rĂ© de la frustration chez les agriculteurs », explique Dennis Buckmaster, qui enseigne dans le dĂ©partement « agriculture et ingĂ©nierie biologique » Ă  l’UniversitĂ© Purdue. « Cela n’a pas fait Ă©merger de nouveau modèle comme le promettait la rĂ©volution des nouvelles technologies de l’information et de la communication (NTIC). »

Aujourd’hui, avec la mission de nourrir les 9 milliards de personnes qui habiteront cette planète d’ici 2050, le mĂ©tier d’agriculteur est en pleine mutation. Les agriculteurs savent combien la sĂ©curitĂ© alimentaire n’est pas chose acquise et qu’elle peut ĂŞtre remise en cause du jour au lendemain. Ils se dĂ©mènent pour progresser dans ce XXIe siècle, mais la profession agricole a souvent une vision archaĂŻque des enjeux liĂ©s aux NTIC.

C’est alors que Monsanto comprit.

Monsanto considĂ©ra que le big data en agriculture pouvait valoir des milliards de dollars d’investissements, comme en tĂ©moigne l’acquisition de plusieurs sociĂ©tĂ©s spĂ©cialisĂ©es dans les donnĂ©es agricoles entre mai 2012 et fĂ©vrier 2014. Les technologies autour du big data ont un très fort potentiel pour augmenter les rendements, alors que nous entrons dans une ère de la raretĂ© des ressources : eau, terre, avec de plus en plus de bouches Ă  nourrir, ce qui rend Ă  l’agriculture son importance stratĂ©gique et au mĂ©tier d’agriculteur ses lettres de noblesse.

Mais le pouvoir que procure cette moisson de donnĂ©es sur les exploitations agricoles grâce au big data, peut devenir incontrĂ´lable et ainsi se rĂ©vĂ©ler dangereux. Si quelqu’un accède aux donnĂ©es d’une opĂ©ration agricole, il peut interprĂ©ter cette donnĂ©e et aussi connaĂ®tre Ă  quel stade et oĂą se situent les cultures, quel est leur rendement potentiel, quels sont les coĂ»ts de production et les revenus de l’exploitation agricole d’oĂą proviennent ses donnĂ©es. Un des pires scĂ©narios est que ces donnĂ©es tombent entre de mauvaises mains, que ce soit un voisin, un revendeur de semences, une sociĂ©tĂ© d’engrais, ou une grande entreprise agricole. Et que ces donnĂ©es soient utilisĂ©es contre l’agriculteur en Ă©tant vendues Ă  un concurrent ou Ă  un voisin, et en donnant ainsi des Ă©lĂ©ments stratĂ©giques pour nĂ©gocier un prix de vente de terres par exemple.

Les agriculteurs et les multinationales agricoles sont aujourd’hui en compĂ©tition pour trouver le Saint Graal de l’agriculture de prĂ©cision. L’agriculture de prĂ©cision est une batteries de technologies qui permettent de mettre la bonne dose, au bon endroit, au bon moment, et ainsi prendre en compte la variabilitĂ© et l’hĂ©tĂ©rogĂ©nĂ©itĂ© de chaque parcelle de cultures dans une exploitation agricole, en recourant très souvent au gĂ©opositionnement par satellite (GPS). Cette manière de conduire les cultures avec des outils de l’agriculture de prĂ©cision est devenue de plus en plus populaire auprès des agriculteurs, en raison des promesses de gain de productivitĂ© et de la baisse des coĂ»ts des dispositifs. Une enquĂŞte auprès des producteurs de soja en 2012 a montrĂ© un retour rapide sur investissement grâce Ă  ces technologies : 15% d’Ă©conomies sur les semences, les engrais et les produits chimiques. Une autre Ă©tude, citĂ©e par Raj Khosla, professeur et conseiller scientifique pour le DĂ©partement d’Etat (NdT, Ă©quivalent d’un ministère des Affaires Ă©trangères), a constatĂ© que les agriculteurs, utilisant un seul type de technologies de prĂ©cision, ont augmentĂ© leur rendement de 16% et rĂ©duit leur utilisation d’eau de 50%.

Si les agriculteurs prennent suffisamment au sĂ©rieux le potentiel de ces technologies et exploitent la puissance de l’agriculture de prĂ©cision de manière adĂ©quate, ils auront une chance de doubler leur production pour nourrir les 9 milliards de personnes en 2050 et changer les perceptions sociales de l’industrie agricole.

Et s’ils choisissent de ne pas tenir compte de ces recommandations, il y a un consensus gĂ©nĂ©ral sur le monde dans lequel nous vivrons dans 50 ans. Demandez Ă  n’importe quel de ces agriculteurs qui essaient aujourd’hui d’ĂŞtre proactif plutĂ´t que rĂ©actif – ils vous le diront tous franchement : l’avenir n’augure rien de bon.

Galerie de photo : Comment le big data change l’agriculture

Qui sème l’agriculture de firme ne rĂ©colte pas la confiance

Douglas Hackney est auteur, orateur public et prĂ©sident de la sociĂ©tĂ© de conseil Entreprise Group Ltd. Comme beaucoup d’autres, il essaie de sensibiliser le grand public aux enjeux liĂ©s Ă  l’agriculture de prĂ©cision et au big data en agriculture. Pour lui, tout se passe très vite. Etant ancien agriculteur et consultant en gestion et analyse de donnĂ©es, il sait comment cette problĂ©matique aura une incidence sur les deux mondes.

« Les agriculteurs ne ressemblent pas aux autres hommes d’affaires … on parie rarement le devenir de son entreprise tout entière sur une dĂ©cision », explique-t-il. « Pourtant les agriculteurs le font chaque annĂ©e : c’est une perpĂ©tuelle remise en question. »

« La confiance est devenu une vĂ©ritable monnaie. Et les agriculteurs ont besoin des personnes de confiance pour les informer des nombreuses dĂ©cisions qu’ils prennent chaque annĂ©e », poursuit Hackney. Le monde agricole est toujours plus dĂ©pendant des vendeurs de semences, des vendeurs de pesticides, des vendeurs d’engrais, des concessionnaires agricoles. Et maintenant, ils dĂ©pendent aussi de prestataires qui agrègent leurs donnĂ©es et qui font de l’analyse prĂ©dictive pour les aider Ă  prendre des dĂ©cisions. Et si cette confiance est brisĂ©e, ils ont besoin d’une alternative.

La rĂ©volution verte (1940-1960) verte a Ă©tĂ© une pĂ©riode oĂą la recherche et l’Ă©mergence de nouvelles technologies ont stimulĂ© la croissance de la production agricole dans le monde entier, en particulier dans les pays en dĂ©veloppement. Norman Borlaug est connu pour ĂŞtre le père de la rĂ©volution verte, et certains disent qu’il a sauvĂ© des millions de personnes grâce Ă  ces initiatives, la production agricole et la consommation alimentaire dans ces pays ont Ă©normĂ©ment augmentĂ©.

Certaines de ces technologies incluaient des systèmes avancĂ©s d’irrigation, des pesticides, des engrais azotĂ©s de synthèse, et des variĂ©tĂ©s amĂ©liorĂ©es hybrides en grandes cultures, permettant aux agriculteurs de produire plus. Ces progrès ont eu un impact Ă©norme sur l’agriculture mondiale. Une Ă©tude a montrĂ© que les populations dans les pays en voie de dĂ©veloppement ont consommĂ© 25% de calories supplĂ©mentaires après la rĂ©volution verte.

Depuis cette pĂ©riode, les progrès majeurs dans les grandes cultures se sont limitĂ©s aux plantes gĂ©nĂ©tiquement modifiĂ©es, rĂ©sistantes aux insectes, en particulier dans les grandes exploitations agricoles en monoculture, ainsi qu’aux pesticides (comme le DDT) et aux engrais.

Ces pesticides et d’autres innovations pour rendre l’agriculture plus performante sont les marqueurs du monde agricole que nous connaissons aujourd’hui. D’ailleurs, quel mot vient-il souvent Ă  l’esprit lorsque l’on parle l’agriculture ?

Monsanto.

Cette sociĂ©tĂ© est devenue le mal incarnĂ© d’une forme d’agriculture que ne souhaite pas la sociĂ©tĂ© mais elle a aussi complètement rĂ©volutionnĂ© l’agriculture. Et Monsanto n’Ă©tait pas encore dans le champ de l’agriculture de prĂ©cision et du big data agricole.

Monsanto a Ă©tĂ© fondĂ©e en 1901. Cette entreprise chimique a vendu du DDT, des hormones de croissance, des PCB et de l’aspartame. Mais dans les annĂ©es 1980, Monsanto a commencĂ© Ă  racheter des entreprises semencières et Ă  investir dans la recherche en biotechnologie, ajustant sa stratĂ©gie pour devenir une multinationale agricole. Monsanto a créé leur premier produit gĂ©nĂ©tiquement modifiĂ© en 1996 avec le soja Roundup-Ready, rĂ©sistant Ă  l’herbicide du mĂŞme nom. Bien qu’il ait Ă©tĂ© largement utilisĂ© États-Unis, le produit ne s’est pas dĂ©veloppĂ© en Europe.

Comme nous allons le voir, les OGM – et la façon dont Monsanto les a commercialisĂ©s – permettent d’entrevoir combien le big data agricole et la science des donnĂ©es peuvent ĂŞtre une chance ou bien une catastrophe pour la prochaine grande phase de dĂ©veloppement agricole.

Monsanto a acquis dĂ©but 2012 Precision Planting, un fabricant de matĂ©riels et de logiciels qui aide les agriculteurs Ă  implanter leurs cultures (optimisation des espacements et de la profondeur du lit de semences lors du semis). En octobre 2013, la multinationale rachète pour près d’un milliard de dollars The Climate Corporation. Cette sociĂ©tĂ© collecte et traite des donnĂ©es climatiques pour aider les agriculteurs Ă  planifier la conduite de leurs cultures. Puis, en fĂ©vrier 2014, The Climate Corporation rachète Solum, un service d’analyse du sol basĂ© Ă  San Francisco.

Le principal logiciel de Monsanto, FieldScripts, fonctionne avec tous ces systèmes pour déterminer la productivité et le rendement des sols.

« Nous nous sommes dĂ©veloppĂ©s ces cinq dernières annĂ©es en explorant en profondeur les donnĂ©es agricoles. Cette dĂ©marche a fondamentalement aidĂ© les agriculteurs sur leurs prises de position et leurs dĂ©cisions : chaque agriculteur a vraiment besoin d’un accompagnement très spĂ©cifique. Les deux principaux mĂ©tiers de The Climate Corporation sont de protĂ©ger les agriculteurs des risques climatiques avec une ‘assurance-rĂ©colte et d’amĂ©liorer les rendements grâce Ă  des analyses de donnĂ©es, explique Greg Smirin, directeur des opĂ©rations de The Climate Corporation.

L’image toxique de Monsanto rĂ©sulte en partie des nombreuses poursuites judiciaires dont elle a fait l’objet, notamment par rapport au lobbying illĂ©gal entrepris par la firme et la dĂ©fense d’une certaine vision des OGM. Le grand public a une interprĂ©tation parfois confuse de tous ces enjeux, renforçant la mauvaise image de Monsanto. Ce dĂ©ficit d’image et ce manque de confiance Ă  l’Ă©gard du plus grand vendeur de semences au monde avec le plus grand monopole de l’industrie agricole, est important et essentiel Ă  prendre en compte.

« Nous nous attendons Ă  ce que la place de l’agriculture de prĂ©cision continue de croĂ®tre rapidement. Les donnĂ©es deviennent de moins en moins chères Ă  stocker et il devient de plus en plus facile de les dĂ©placer d’une plateforme informatique Ă  une autre », explique Brett Begemann, prĂ©sident et directeur des opĂ©rations de Monsanto. « Nous commençons Ă  peine Ă  explorer toute la valeur que nous pouvons crĂ©er pour les agriculteurs avec ces outils ».

La multinationale a identifiĂ© et saisi les opportunitĂ©s de cette industrie naissante bien avant le grand public et elle en fait le pari. Qu’on fasse confiance Ă  Monsanto ou pas, il est indĂ©niable que cette entreprise a une façon de capitaliser sur les tendances dans l’agriculture, et le big data agricole est sa nouvelle cible.

« Du point de vue de la gestion de la marque, la prochaine rĂ©volution est la donnĂ©e, alors comment gagner ce marchĂ© ? Avec une marque toxique comme Monsanto, il apparaĂ®t beaucoup plus sensĂ© de racheter d’autres marques et de mettre en avant des packages de solutions via ces nouvelles marques, sans mentionner Monsanto » analyseHackney.

Préoccupations croissantes

Yeux grands ouverts. Ça grimace. Bras croisĂ©s. Ça soupire. Muscles tendus sur des chaises en aluminium froides. Ces scènes-Ă©clairs auraient pu ĂŞtre vues lors des dernières confĂ©rences agricoles Ă  travers le pays. Six mois auparavant, pour l’American Farm Bureau (NdT, organisation professionnelle agricole similaire Ă  la FNSEA), les donnĂ©es n’Ă©taient pas un sujet sur l’ordre du jour. Aujourd’hui, c’est dans toutes les prĂ©sentations, toutes les conversations de couloir et toutes les sĂ©ances de questions-rĂ©ponses.

La paranoĂŻa dans la communautĂ© agricole dĂ©coule de la question qui mĂ©rite d’ĂŞtre posĂ©e : que va-t-il se passer une fois ces donnĂ©es dans les systèmes des grands Ă©diteurs de logiciels, des sociĂ©tĂ©s de semences, des concessionnaires d’Ă©quipements agricoles, et surtout : comment ces donnĂ©es pourraient ĂŞtre utilisĂ©es ? « Vous ne pouvez pas aller Ă  l’une de ces confĂ©rences sans que quelqu’un vienne dire ce qui se passe et de s’interroger : mon concessionnaire m’a poussĂ© ce printemps Ă  signer cette convention, que dois-je faire … Ils sont tous avides d’en savoir plus », a dĂ©clarĂ© Don Villwock, prĂ©sident de l’Indiana Farm Bureau.

Pour de nombreux agriculteurs, le pire des cas serait que les donnĂ©es soient rĂ©cupĂ©rĂ©es par leurs voisins, qui les montreraient, Ă  leur tour, au propriĂ©taire du terrain. Si ces donnĂ©es rĂ©vĂ©laient un faible de niveau de productivitĂ© ou des erreurs de conduite de culture, le propriĂ©taire pourrait prĂ©fĂ©rer un agriculteur plus performant pour l’exploitation de ses terres…

Selon le DĂ©partement amĂ©ricain de l’Agriculture, en 2012, les filières agricoles ont contribuĂ© au produit intĂ©rieur brut Ă  hauteur de 775,8 milliards de dollars, soit 4,8%. La production agricole reprĂ©sente environ 1% du PIB. Environ 9 % des emplois aux États-Unis en 2012 Ă©taient liĂ©s Ă  l’agriculture, et 2,6 millions de ces emplois Ă©taient des emplois directs Ă  la ferme. On compte environ 2 millions d’exploitations agricoles aux États-Unis, avec une superficie agricole utile moyenne de 430 acres (174 ha). La SAU moyenne a augmentĂ©, en mĂŞme temps que le nombre d’agriculteurs a diminuĂ© et que des firmes agricoles rachètent des terres pour cultiver Ă  plus grand Ă©chelle.

« Pour une entreprise du big data, qu’est-ce qu’un agriculteur? C’est un numĂ©ro, rangĂ© Ă  cĂ´tĂ© de numĂ©ros d’autres clients », explique Hackney. « Pour un agriculteur, si leurs donnĂ©es tombent entre de mauvaises mains, c’est une menace existentielle. »

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George Bercaw de la Climate Corporation et ami de la famille Jones, montre comment le site fonctionne. Image: Lyndsey Gilpin/TechRepublic

La production est le maĂ®tre mot de cette industrie, et l’augmentation de la productivitĂ© est sans doute le principal contributeur Ă  la croissance Ă©conomique pour l’agriculture des États-Unis. De 1948 Ă  2011, la production agricole des États-Unis a plus que doublĂ©, progressant d’environ 1,5% par an.

En 2013, les chiffres de l’USDA indique un rendement moyen de 160 boisseaux Ă  l’acre (12,7 t/ha), bien que certains agriculteurs indiquèrent que ces chiffres soient exagĂ©rĂ©s. Certains rapports prĂ©tendent que le rendement de 200 boisseaux (16 t/ha) peut ĂŞtre atteint grâce aux technologies de l’agriculture de prĂ©cision.

Mais cela n’est pas assez. L’AmĂ©ricain moyen ne s’en prĂ©occupe pas, mais pour l’agriculteur (et par extension, pour presque tous le monde de l’industrie agricole) dont le mĂ©tier est de nourrir les Hommes, la question reste de savoir comment rĂ©pondre au dĂ©fi de nourrir le monde, surtout quand les projections parlent de 9 milliards d’habitants sur Terre en 2050. C’est pourquoi les semences hybrides sont attrayantes, et pourquoi l’agriculture de firme est en train de gagner. C’est pourquoi le suivi des donnĂ©es gĂ©olocalisĂ©es avec les technologies du big data est rĂ©volutionnaire. Monsanto estime que ce nouveau type de conseil agricole pourrait conduire Ă  une augmentation de la production en valeur de 20 milliards de dollars par an dans le monde entier.

« Je pense que la chose la plus importante est d’Ă©duquer et d’informer les agriculteurs et le grand public », explique Matthew Erickson, Ă©conomiste pour la American Farm Bureau Federation. « Les agriculteurs utilisent des technologies de prĂ©cision pour ĂŞtre plus performant sur tous les plans. Alors qu’ils perdent des hectares chaque annĂ©e, ils cherchent Ă  maximiser le potentiel de chacune de leur parcelle. »

Un cinquième des terres des États-Unis est utilisĂ© pour la production agricole en grande culture. Mais, selon l’EPA (NdT, Ă©quivalent du ministère de l’environnement), environ 1200 hectares de terres agricoles sont perdus chaque jour aux États-Unis. Selon le recensement amĂ©ricain, les terres cultivĂ©es utilisĂ©es pour les cultures a chutĂ© de 138 Ă  135 millions entre 1990 et 2010. Mais la quantitĂ© de grains rĂ©coltĂ©s est restĂ©e la mĂŞme.

Au cours d’un dĂ©jeuner dans un restaurant du coin, Chris, Robert et George Bercaw, leur ami de longue date et vendeur d’assurance-rĂ©colte, discutent de leurs prĂ©occupations Ă  propos des donnĂ©es et de la productivitĂ©. « Ce qui me prĂ©occupe, c’est de faire pour le bon choix au niveau de mes pratiques de production, et le GPS me permet de tout suivre », indique Chris. « Vais-je recevoir un appel tĂ©lĂ©phonique de l’EPA me demandant « saviez-vous que vous pulvĂ©risez trop près de cet Ă©tang ? » ou m’indiquant « vous avez mis trop d’engrais et ne respectez plus la rĂ©glementation » ?.

« S’il y a trop de vent lors d’un traitement, si une erreur est commise ou si l’ordinateur a mal calculĂ©, on peut ĂŞtre condamnĂ© Ă  une amende. Il y a l’empreinte des donnĂ©es partout oĂą vous allez  » ajoute-t-il.

Cette empreinte est une « arme Ă  double tranchant » pour les agriculteurs. Soit les agriculteurs sont asservis par un système Ă  la « Big Brother », soit ils sont renforcĂ©s par la connaissance très fine de leurs parcelles grâce aux donnĂ©es collectĂ©es. Si les Ă©cologistes radicaux venaient les accuser d’utiliser trop de pesticides ou le mauvais type de semences, ils peuvent tout simplement sortir un smartphone et leur fournir la preuve du contraire.

« Parfois, ce travail d’acquisition de donnĂ©es est plus compliquĂ©, mais cela permet de faire Ă©voluer le mĂ©tier » indique Jake Rowland, un technicien d’agriculture de prĂ©cision pour Helena Chemical, entreprise fournissant des intrants agricoles, qui pratique des analyses de sol pour la ferme de Jones. « Il vous permet de rester honnĂŞte. »

Cette moisson de donnĂ©es peut Ă©galement ĂŞtre utile pour les consommateurs. Alors que l’agriculture industrielle a Ă©tĂ© montrĂ©e du doigt avec ses Ă©missions de carbone, le non-respect du bien-ĂŞtre animal et les produits non Ă©tiquetĂ©s OGM, les exploitations agricoles aussi bien petites que grandes ont davantage d’informations pour le public pour faire la preuve des progrès rĂ©alisĂ©s ces dernières annĂ©es.

« A ce stade, cela peut restaurer la confiance avec le grand public en produisant plus de transparence », confie Villwock. « C’est une histoire qui vaut la peine d’ĂŞtre racontĂ©e et qui pourra ĂŞtre Ă©tayĂ©e grâce aux donnĂ©es collectĂ©es. »

Le mouvement Farm-to-Fork (NdT, de la ferme Ă  la fourchette, militant pour une agriculture de proximitĂ© Ă  taille humaine) a gagnĂ© du terrain, notamment avec des films documentaires comme « La santĂ© dans l’assiette » (Forks Over Knives) et « Les alimenteurs » (Food Inc.). La distanciation des mangeurs et du contenu de leurs assiettes est devenue une source de dĂ©fiance vis-Ă -vis de l’agriculture industrielle et l’industrie agroalimentaire : la qualitĂ© de l’alimentation devient une prĂ©occupation majeure pour de plus en plus de monde. L’ensemble de ces donnĂ©es a la capacitĂ© de combler cette distanciation voire de restaurer la confiance. Il est possible d’imaginer dans un futur proche que soit affichĂ© dans les restaurants sur une tablette, le nom de la ferme qui le fournit, son historique, le cycle de vie des lĂ©gumes qu’elle a produits et de choisir notre menu, en fonction du jeu de donnĂ©es qui nous inspirera le plus confiance. Cela peut nous donner la possibilitĂ© de connaĂ®tre notre nourriture, et par consĂ©quent, on peut espĂ©rer que le processus de production agricole sera respectĂ© et reconnu comme jamais il ne l’a Ă©tĂ© auparavant.

Mettre en perspective les données

Chris Jones a 29 ans et père de deux enfants. Il sourit souvent lorsqu’il travaille, caractĂ©ristique de son attitude dĂ©contractĂ©e. Il est diplĂ´mĂ© de l’UniversitĂ© Purdue et Chris est l’un des rares de sa promo qui est revenu travailler sur la ferme familiale. Il monte dans la cabine de sa moissonneuse-batteuse, remplie de fils, de chargeurs et d’un routeur. L’Ă©cran de contrĂ´le du boĂ®tier Precision Planting clignote : Chris parcourt les donnĂ©es de la parcelle et fait dĂ©filer les cartes des sols pour voir leur potentiel. Le service Climat Basic est gratuit pour n’importe quel utilisateur, mais Climate Pro coĂ»te maintenant 15 $ par acre (soit 28 € par hectare). L’entreprise prĂ©tend que les agriculteurs peuvent augmenter leurs bĂ©nĂ©fices moyen de 100 $ par acre (180 € par hectare). La famille Jones utilise le service de Climate Corporation pour l’assurance contre les alĂ©as climatiques pendant quatre ans, avant de Monsanto rachète cette entreprise.

Chris rit, à moitié en plaisantant, et regarde Bercaw. « Encore Monsanto, nous ne pouvons pas en sortir! » dit-il.

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Chris Jones regarde l’Ă©cran du boĂ®tier Ag Leader, capteur qui montre le rendement de son champ de maĂŻs. Image: Lyndsey Gilpin/TechRepublic  

Quand nous retournons au bureau, Chris et Bercaw vont tout droit sur l’ordinateur pour montrer comment le site de Climate Corporation fonctionne. Bercaw est un ami de la famille depuis longtemps et il a Ă©tĂ© consultant en assurance-rĂ©colte pour Climate Corporation bien avant son rachat. Il arbore fièrement le logo de l’entreprise, imprimĂ© sur le devant de sa veste.

Chris se connecte et en quelques secondes, nous sommes sur le site, faisant dĂ©filer une liste d’opĂ©rations rĂ©alisĂ©es dans la parcelle de Jones. Une carte Google Maps occupe la quasi totalitĂ© de l’Ă©cran. Une mise Ă  jour mĂ©tĂ©o clignote dans un coin. Il entre quelques chiffres, vĂ©rifiant comment tel type de semences peut affecter le rendement Ă  l’hectare, donc qui peut affecter le prix de la rĂ©colte. The Climate Corporation fait les calculs Ă  partir d’algorithmes. En cliquant sur un lien, on voit les tendances historiques de l’humiditĂ© et de la productivitĂ© du sol, et Chris a la possibilitĂ© de l’avoir sur 30 ans. C’est un site avec une interface intuitive, « indĂ©niablement plus simple Ă  utiliser que la plupart des autres systèmes », dit Chris. Et c’est important pour le public cible : la population des agriculteurs est vieillissante et ils ne savent pas toujours comment naviguer sur le web .

Contrairement Ă  une Ă©poque rĂ©volue, quand Chris devait rester assis au tĂ©lĂ©phone pendant des heures, attendant d’ĂŞtre mis en relation avec un technicien pour tenter de rĂ©soudre son problème sur son système John Deere, The Climate Corporation envoie automatiquement des mises Ă  jour presque chaque semaine. Si Chris a besoin d’avoir quelqu’un au bout du fil, il l’a en un appel tĂ©lĂ©phonique ou deux. Et les cadres de The Climate Corporation lui demandent son avis quand de nouveaux projets sont dĂ©ployĂ©s sur le site internet.

Ce n’est pas le travail Ă  la ferme que Chris avait d’abord imaginĂ©. C’est un mĂ©tier très connectĂ© aux nouvelles technologies et un mĂ©tier dont l’attrait ne fera que croĂ®tre.

« Cela permet de rendre le mĂ©tier plus attractif et de donner envie aux jeunes de s’installer, alors que ce ne l’Ă©tait plus jusqu’Ă  prĂ©sent», dit Bercaw . « C’est un travail de haute technologie.  »

Promouvoir les données ouvertes

Plus tĂ´t cette annĂ©e, Aaron Ault du groupe des technologies ouvertes en agriculture de l’universitĂ© Purdue a dirigĂ© une initiative visant Ă  apporter des auditeurs tiers dans le processus de collecte de donnĂ©es. L’Alliance Open Ag Data Ă©tait nĂ©, et le projet a Ă©tĂ© conçu pour introduire la notion de vie privĂ©e et de sĂ©curitĂ© dans les donnĂ©es agricoles.

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Des reprĂ©sentants d’Helena Chemical effectuent des analyses de sol pour la ferme Jones. Image: Lyndsey Gilpin/TechRepublic

« L’agriculteur va devoir avoir un contrĂ´le complet du système de qui regarde quelle donnĂ©e et quand », explique Ault. « A ce jour, la plupart des agriculteurs ne connaissent pas les termes et les conditions d’utilisation des services, nous sommes donc en train de dĂ©velopper une mĂ©thode pour les agriculteurs pour qu’ils sachent exactement ce Ă  quoi ils s’engagent. »

Ault est un agriculteur Ă  temps plein dans l’Indiana, mais travaille Ă©galement sur divers projets de recherche Ă  l’UniversitĂ© Purdue. Il considère l’agriculture comme la plate-forme originale de l’open source. Les agriculteurs ont en Ă©tĂ© les inventeurs, les pionniers. Ils ont partagĂ© leurs connaissances et leurs produits avec leurs voisins. Mais en fin de compte, l’agrĂ©gation de donnĂ©es et le partage dans l’agriculture est devenu incroyablement difficile.

« L’une des principales raisons est que rien n’est compatible ni interopĂ©rable aujourd’hui », indique-t-il. « Tel matĂ©riel d’une entreprise ne fonctionne pas avec d’autres matĂ©riels d’une autre entreprise. Tel autre service traite les donnĂ©es d’une certaine manière par rapport Ă  un autre service. »

Un exemple flagrant est le système de John Deere, APEX, qui est incompatible avec la plupart des autres marques et systèmes. Et après une investigation poussĂ©e, Hackney (dont l’entreprise est l’un des principaux sponsors du groupe des technologies ouvertes en agriculture de l’universitĂ© Purdue) s’est aperçu que l’entreprise stipulait en petits caractères dans leur accord de confidentialitĂ© que les donnĂ©es leur appartenaient.

Alors que la prise de conscience commence Ă  faire son chemin, Smirin indique, Ă  propos des anciens systèmes que la plupart des agriculteurs utilisent, que les entreprises sur lesquelles ils s’appuient ne leur donnent pas la pleine et entière propriĂ©tĂ© de leurs propres donnĂ©es,

D’autres plateforme de services dans le cloud out vu le jour pour ensuite disparaĂ®tre, mais celle de The Climate Corporation s’est avĂ©rĂ© ĂŞtre la plus fiable. Et quelques mois juste après que Monsanto ait acquis cette startup, l’entreprise a insistĂ© sur leur engagement Ă  l’Alliance Open Ag Data et sur leur participation active lors de la formation de cette alliance.

« Nous mettons l’accent sur le fait que les agriculteurs possèdent les donnĂ©es qu’ils crĂ©ent, nous nous engageons Ă  fournir des services de base de donnĂ©es pour les agriculteurs gratuitement, et nous nous engageons Ă  permettre aux agriculteurs de partager leurs donnĂ©es sur d’autres plates-formes sans frais», prĂ©cise Begemann.

Les participants de l’Alliance Open Ag Data sont :

– Le groupe des technologies ouvertes en agriculture de l’UniversitĂ© Purdue
– AgReliant Genetics, une entreprise de semences
– CNH Industrial, qui vend du matĂ©riel agricole
– GROWMARK , une coopĂ©rative agricole
– Valley Irrigation, qui fabrique des technologies d’irrigation de prĂ©cision
– Wilbur-Ellis Company , qui distribue des produits de pilotage des cultures
– Winfield , un fournisseur de semences
– The Climate Corporation

« The Climate Corporation a un intĂ©rĂŞt personnel dans cette alliance… nous voulons que les agriculteurs se servent de nous pour leur fournir le meilleur service, mais s’ils veulent juste stocker leurs donnĂ©es sur un service de base de donnĂ©es, nous nous sommes engagĂ©s Ă  ce que les donnĂ©es soient totalement inexploitables pour nous », explique Smirin. « Cela peut sembler Ă©vident, mais ce n’est pas ce qui est le plus pratiquĂ© aujourd’hui dans le milieu. »

Ault indique que l’alliance restera indĂ©pendante des entreprises partenaires, bien que Monsanto ait jouĂ© un rĂ´le important dans la promotion.

« Cela peut sembler naĂŻf au premier abord, mais une partie de l’approche OADA est de dĂ©finir un langage commun de ce que l’OADA veut dire », explique Ault.

La nouvelle se répand rapidement dans cette industrie. Si la confiance est rompue, la communauté va le savoir tout aussi rapidement.

« Nous allons devoir rĂ©soudre ce problème, gagner leur confiance, sĂ©curiser le système», explique Ault. « Cela ne peut pas simplement ĂŞtre des paroles en l’air, cette agriculture des donnĂ©es doit ĂŞtre Ă©valuĂ© par des tiers, et ne pas se rĂ©sumer Ă  une simple question d’accessibilitĂ© des donnĂ©es. »

L’avenir de l’agriculture

Robert regarde fixement la table, l’air soucieux. Il craint non pas ce qu’implique ses donnĂ©es sur sa vie privĂ©e, mais plutĂ´t l’avenir de l’agriculture. Il a le sentiment que le monde ne saisit pas combien cela est important ou combien le poids qui repose sur ses Ă©paules d’agriculteur de nourrir le monde, est grand. Les agriculteurs n’ont pas partagĂ© ce fardeau jusqu’Ă  prĂ©sent.

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Robert Jones indique qu’il veut ĂŞtre proactif par rapport Ă  l’enjeu des donnĂ©es agricoles. Avoir un temps d’avance en tant qu’agriculteur Ă  latĂŞte d’une grande exploitation est important. Image: Lyndsey Gilpin/TechRepublic

Une autre source d’inquiĂ©tudes est le changement climatique. Bien que Robert et Chris ont autrefois niĂ© l’Ă©vidence, ils admettent ĂŞtre aujourd’hui très prĂ©occupĂ©s par les consĂ©quences du dĂ©règlement climatique sur leurs cultures. Davantage de dioxyde de carbone dans l’atmosphère et un climat plus chaud nuira Ă  leur rendement. Cela signifie davantage de mauvaises herbes, qui ont dĂ©jĂ  coĂ»tĂ© aux agriculteurs 11 milliards de dollars l’annĂ©e, selon l’EPA. Cela annonce aussi davantage de sĂ©cheresses et d’inondations qui impacteront sĂ©vèrement le rendement des cultures.

Robert, sa famille, et de nombreux autres agriculteurs ont toujours eu à rester sur la défensive, confie-t-il. Ils se sont petit à petit coupés du reste de la société car leur métier était souvent méconnu, mal représenté et franchement méprisé.

«Nous nous sommes repliĂ©s sur nous-mĂŞmes et n’avons permis Ă  personne de nous aider Ă  nous protĂ©ger », ajoute-t-il.

Mais ces donnĂ©es permettent de souligner l’importance du secteur agricole. Si les gens Ă©taient plus connectĂ©s Ă  leur alimentation par l’intermĂ©diaire de donnĂ©es ouvertes, ils seraient davantage connectĂ©s Ă  la ferme d’oĂą cette nourriture vient, et donc, plus respectueux des personnes qui travaillent sans relâche pour la produire.

« L’agriculture a finalement gagnĂ© le respect du monde entier » explique Robert pendant le repas.

Ce respect est dĂ» en partie Ă  l’Ă©bullition Ă  San Francisco, oĂą The Climate Corporation a un bureau et oĂą d’autres startups sont en train d’Ă©merger. Par exemple, Granular est une petite startup sur les donnĂ©es, situĂ©e Ă  trois pâtĂ©s de maisons de The Climate Corporation. Granular est nĂ© d’une scission de Solum, Inc. lorsque The Climate Corparation a rachetĂ© cette sociĂ©tĂ© plus tĂ´t cette annĂ©e.

« Une nouvelle catĂ©gorie d’agriculteurs est en train d’Ă©merger. Ils veulent utiliser le meilleur de la science et de la technologie, c’est pour cette raison que nous essayons de fournir Ă  cette nouvelle catĂ©gorie d’agriculteurs, des services logiciels modernes, comme il en existe dans d’autres secteurs d’activité», dĂ©clare Sid Gorham, PDG de Granular

Toutes les multinationales agricoles ont mis de l’argent dans cette industrie naissante. Dupont Pioneer utilise les technologies de l’agriculture de prĂ©cision depuis un certain temps, mais a rĂ©cemment intensifiĂ© ses services dans ce nouveau domaine. Case IH , Ag Leader, et John Deere sont les premiers Ă  adopter l’agriculture de prĂ©cision et l’analyse prĂ©dictive, et maintenant, tous ces systèmes sont intĂ©grĂ©s dans les services du cloud de The Climate Corporation.

« Cela a des avantages Ă©normes et peut potentiellement rĂ©volutionner l’agriculture », indique Erickson. « Cela rend les choses plus transparentes entre l’agriculteur et les sociĂ©tĂ©s de services. Cette approche pourrait ĂŞtre fructueuse pour toute l’agriculture. »

Même les petites exploitations doivent avoir un minimum de connaissance sur ces technologies si elles veulent faire partie de la prochaine ère agricole.

« Mes petits-enfants sauront saisir les opportunités de tout ceci sans aucun problème », se rejouit Robert.

Je regarde l’ordinateur dans la grange. Le fond d’Ă©cran est un bambin flanquĂ© d’une salopette, assis dans un tracteur. Ses mains sont parfaitement positionnĂ©es sur le volant et il fait un large sourire. Son père et son grand-père resplendissent sur la photo.

Un peu plus tard, l’Ă©cran attire de nouveau mon attention. Cette fois, la photo du jeune fils de Jones est Ă  moitiĂ© recouvert par la fenĂŞtre d’un logiciel de The Climate Corporation, notifiant en clignotant la synchronisation des donnĂ©es.

 

1 Big data est une expression anglophone utilisĂ©e pour dĂ©signer des ensembles de donnĂ©es qui deviennent tellement volumineux qu’ils en deviennent difficiles Ă  travailler avec des outils classiques de gestion de base de donnĂ©es ou de gestion de l’information. En français, « grosses donnĂ©es » ou « datamase ». Source Wikipedia

2The Climate Corporation : société de géomatique racheté par Monsanto en octobre 2013. http://www.climate.com/

Hélène Mathon : « On a désappris à penser aux agriculteurs »

HĂ©lène Mathon, auteure et metteure en scène est intervenue dans le cadre des Premières Rencontres du Forum des Agricultures, graines d’avenir. Elle nous parle de son travail d’écriture sur sa pièce Cent Ans dans les champs ! (Une petite histoire de l’agriculture de 1945 Ă  2045) et de sa relation entre art, agriculture et monde rural.

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Intervention d’HĂ©lène Mathon le 7 septembre 2013 Ă  la Ferme de Vauluceau dans le cadre des Premières Rencontres du Forum des Agricultures


Pourquoi avoir choisi le sujet de l’agriculture dans votre travail d’artiste ?

Mes grands-parents Ă©taient agriculteurs dans le Gers et depuis 2001*, je travaille sur le sujet agricole. Mon travail  s’attache Ă  «  donner Ă  entendre des choses peu audibles », il me semble que l’histoire est toujours racontĂ©e par d’autres  que ceux qui la vivent ou par ceux qui parlent le plus fort. Pour Ă©crire la pièce, nous avons interviewĂ© des agriculteurs du Nord, en coproduction avec  le Centre dramatique national de BĂ©thune. Avant la première reprĂ©sentation, j’apprĂ©hendais  un peu la confrontation. Les acteurs de la pièce n’avaient jamais rencontrĂ© les agriculteurs avant cette première et mĂŞme si, pour nous, c’est un travail habituel, il reste singulier dans son rapport direct avec la rĂ©alitĂ©. A l’issue de la reprĂ©sentation, il y a eu beaucoup d’émotions car les agricultrices et agriculteurs Ă©taient fiers de voir leur histoire au travers d’un mĂ©dia qu’ils mĂ©connaissent : le théâtre contemporain. Ils pensaient que leurs histoires ne valaient pas la peine d’être racontĂ©es. Pourtant c’est l’essence de notre mĂ©tier : reprĂ©senter la vie des autres.

Comment a réagi le public après avoir vu « Cent ans dans les champs ! » ?

Les retours du public ont Ă©tĂ© très bons. Les gens ont une connaissance diverse du sujet mais on peut dire que tout le monde Ă  un rapport Ă  l’alimentation et Ă  l’agriculture. MĂŞme si nous vivons de plus en plus en ville, ce rapport est encore vivant. Mais si-parmi la gĂ©nĂ©ration des quadragĂ©naires- 4/5 Ă©taient susceptibles d’aller en vacances  Ă  la ferme chez les grands-parents, ce n’est plus le cas aujourd’hui. Beaucoup de fermes ont disparu, les vacances sont consacrĂ©es au loisir et plus du tout au contact avec les animaux, avec la terre. De ce fait, de plus en plus de gens trouvent ce travail « exotique ». Il faut rĂ©-expliquer le rĂ´le de l’agriculteur et de l’agriculture.

Vous abordez la question de la déstructuration de notre alimentation de manière assez violente dans la pièce…

Quand je regarde ce que nous avons aujourd’hui dans notre assiette, je rĂ©alise Ă  quel point nous sommes allĂ©s loin. Il est urgent de faire changer les choses. Comment peut-on faire pour concerner les gens ? Dans la pièce, quatre visions sont restituĂ©es, quatre possibilitĂ©s de penser notre rapport Ă  l’agriculture. Mais je n’ai pas souhaitĂ© faire ressortir un type d’agriculture plus qu’un autre. Je propose quatre scĂ©narios et chaque spectateur, en fonction de son vĂ©cu, entre en empathie avec l’une ou l’autre. Je cherche Ă  restituer la perception de la rĂ©alitĂ© plutĂ´t que de fournir une vision manichĂ©enne des agricultures.

Le passage sur la vidéo représentant un agriculteur philosophant sur le mot « paysan » est surprenant et singulier…
L’agriculture manque aujourd’hui de vocabulaire, de mots. L’agriculteur a souvent une parole toute faite, qui prĂ©existe Ă  la rencontre. C’est parfois un discours  très politique, comme la  version officielle en quelque sorte. Dans l’écriture de la pièce, je me suis intĂ©ressĂ©e Ă  la parole singulière que porte l’individu en son nom propre. D’une certaine façon, on a dĂ©sappris Ă  penser aux agriculteurs. A mon sens, il n’existe plus d’endroit de rĂ©flexion oĂą ils peuvent s’exercer à  penser par eux-mĂŞmes, ils se trouvent dans une solitude et un dĂ©sarroi profond. Ils vivent une situation très compliquĂ©e Ă©conomiquement et socialement.

Comment envisagez-vous l’agriculture dans le futur ?

Cette question de l’agriculture en 2050 est une question très complexe qui renvoie Ă  une dĂ©cision collective parce qu’on ne pourra pas faire les choses Ă  moitiĂ©. Les agriculteurs que j’ai rencontrĂ©s m’ont beaucoup parlĂ© de chiffres, de papiers. Ce qui m’intĂ©resse, c’est le rapport de l’homme Ă  la terre et peu m’en ont parlĂ© car ils n’ont plus le temps. C’est vertigineux. Mais il est essentiel et fondamental de rĂ©pondre Ă  cette question primordiale : que voulons-nous faire de notre terre ? .

Quelle est la place de la culture dans le monde rural ?

Au niveau des structures culturelles en milieu rural, c’est la dĂ©shĂ©rence totale et il n’y a pas  vraiment de volontĂ© politique pour que cela change. Le monde rural n’a droit aujourd’hui qu’à une culture au rabais et cela vient de la pensĂ©e centraliste du politique. J’ai aujourd’hui beaucoup de demandes de groupement d’agriculteurs pour jouer la pièce mais les salles de spectacle sont la plupart du temps inadaptĂ©es. Si les agriculteurs ne peuvent plus penser par eux-mĂŞmes c’est aussi parce que les lieux de culture peinent Ă  exister lĂ  oĂą ils sont, dans les zones rurales. Il est urgent de repenser la place de la culture dans le monde rural, parce qu’il est urgent de redonner Ă  l’art son utilitĂ© sociale.

Propos recueillis par Julien Couaillier en mars 2013

* 2001. « Les restent ?», d’après le journal de Josiane Duprat., gouvernante dans un domaine agricole du Gers.

2010. « Les Coteaux du Gers », documentaire sur la question du travail  auprès des retraités agricoles et « Odette », au théâtre de la Digue à Toulouse.

 

 

Premières rencontres ouvertes du Forum

Les premières rencontres ouvertes du Forum des Agricultures auront lieu le 7 septembre 2013 à la ferme de Vauluceau à Bailly.

Lieu de réflexion, de création, d’accueil et de démonstration, de rencontres, le Forum des Agricultures doit être une aventure collective. Construisons ensemble un projet et cohérent, innovant, viable économiquement et multi-activités pour que  toutes les agricultures répondent aux besoins de tous les hommes.

Au programme :
10h-12h : Des ateliers de crĂ©ativitĂ© pour diffuser les innovations, faire grandir le forum, accompagner des projets et beaucoup d’autres. Vous pouvez vous inscrire aux diffĂ©rents ateliers ici

12h-14h : Un banquet participatif et engagé pour découvrir des saveurs, des techniques et des cultures

14h-17h : Plusieurs intervenants de renom viendront prĂ©senter leur vision sur l’hybridation et la diffusion des idĂ©es

  1. Dominique Viel, haut fonctionnaire spécialiste des questions écologiques et environnementales
  2. Marc Tirel, chercheur en intelligence collective au sein du CIRI (Collective Intelligence Research Institute)
  3. Shabnam Anvar, spécialiste de la question de la brevabilité du vivant.
  4. Dominique Tristant, directeur de la ferme expérimentale de Grignon
  5. Hélène Mathon, metteur en scène, auteur

Pour s’inscrire : http://forumagri.eventbrite.fr

Vous pouvez rejoindre le groupe Facebook https://www.facebook.com/events/565607850148222/?context=create

Lettre d’information N°1 – Avril-Mai 2013

Edito

Comme en tĂ©moigne l’actualitĂ©, l’agriculture et l’alimentation restent les enjeux majeurs nos sociĂ©tĂ©s actuelles et Ă  venir, sur toute la planète, sur tous les territoires en termes d’environnement, de santĂ© publique et de modes de vie, d’identitĂ©.

Pour sa deuxième annĂ©e d’existence, le Forum des Agricultures, graines d’avenir travaille Ă  la formulation d’un projet cohĂ©rent, novateur, viable Ă©conomiquement et multi-activitĂ©s qui permette de penser de façon ouverte les dĂ©fis alimentaires et agricoles et d’accompagner en complĂ©mentaritĂ© avec d’autres structures dĂ©jĂ  existantes, ses dynamiques les plus innovantes.

Le lancement d’une communautĂ© physique et virtuelle autour du Forum nous apparaĂ®t comme une première Ă©tape indispensable pour soutenir nos efforts : c’est pourquoi nous avons lancĂ© le site internet www.forum-des-agricultures.fr et le compte twitter associĂ© @forumagri. Nous allons Ă©galement lancer des ateliers de crĂ©ativitĂ© d’ici le mois de juin pour poursuivre le design du Forum.

Guillaume Dhérissard, président du Forum des Agricultures, graines d’avenir

 

Appel Ă  cotisation 2013

Merci Ă  celles et ceux qui ont renouvelĂ© leur adhĂ©sion au Forum des Agricultures pour 2013. Vous trouverez sur le lien suivant la version PDF de l’appel Ă  cotisation 2013.

 

Une identité graphique et un site internet

Le Forum des Agricultures se dote d’un logo et d’un site Internet propulsé sous WordPress.
Le logo, avec ses deux bulles, exprime le dialogue entre les différentes cultures et les différentes agricultures. Ces échanges fertiles permettent de faire germer des idées qui sont évoquées par la graine centrale du logo.
Le site internet utilise le logiciel WordPress qui permet ainsi une mise en ligne de l’information simplement et de manière collaborative. N’hĂ©sitez pas Ă  demander un compte si vous voulez contribuer.

 

Ateliers de réflexion et de créativité en préparation

Des ateliers de crĂ©ativitĂ© vont ĂŞtre organisĂ©s d’ici juin 2013 pour dĂ©finir de manière collective et collaborative le pĂ©rimètre du Forum des Agricultures. Qu’est-ce qu’un forum ? Comment se matĂ©rialise-t-il ? Quelles sont ses activitĂ©s ?… sont autant de questions qui essaieront de trouver leurs rĂ©ponses pendant ces ateliers. Nous ne manquerons pas de vous tenir informĂ©s des dates auxquelles se dĂ©rouleront ces ateliers.

La raison d’ĂŞtre du Forum des Agricultures

Agriculture et alimentation sont les enjeux majeurs des sociétés de demain sur toute la planète, sur tous les territoires en termes d’environnement, de santé publique et de modes de vie, d’identité.

Nourrir durablement la planète est donc un enjeu primordial de toutes les sociétés – enjeu rappelé par l’ONU. Cela suppose des solutions diversifiées, en fonction des hommes, des terrains, de l’évolution climatique, des circuits de distribution et de transformations alimentaires.
Nourrir durablement la planète nous concerne toutes et tous. C’est un enjeu vital dans tous les sens du terme, car il concerne aussi nos habitudes, nos traditions très diverses, notre vie quotidienne et nombre de savoir-faire locaux. Et ce sont bien ces échanges locaux-globaux qu’il faut instaurer partout, pour expérimenter, innover, échanger, former.

Toutefois, alors qu’elles n’ont jamais été autant stratégiques, l’agriculture et l’alimentation sont de plus en plus accusées, source de divisions multiples ou trop souvent mal comprises. Est-ce vraiment durable ?

Il est alors urgent de sortir des querelles de chapelles entre bio et non bio, entre cultures des pays riches et des pays dits pauvres, entre tissu vivrier et produits d’exportation, entre artisanat culinaire et industries agroalimentaires.

Voilà pourquoi s’est créé le FORUM DES AGRICULTURES, GRAINES D’AVENIR pour créer ces rencontres et formuler un projet cohérent, novateur, viable économiquement et multi-activités qui permette de penser de façon ouverte les défis alimentaires et agricoles et d’accompagner en complémentarité avec d’autres structures déjà existantes, ses dynamiques les plus innovantes.

Grignon, site symbolique sur l’innovation en agronomie, pourrait accueillir ce large forum et devenir à terme une « cité de toutes les agricultures», un espace polyvalent à la fois vitrine d’une agriculture au service de tous les hommes et un lieu d’échanges, de ressources, de développement et d’innovation. Une ruche d’activités ancrée dans son territoire et sa région, tout en restant ouverte à l’Europe et au Monde.

Forum des Agricultures : une identité graphique et une présence sur le web

Le Forum des Agricultures se dote d’un logo et d’un site Internet propulsĂ© sous WordPress.

Le logo, avec ses deux bulles, exprime le dialogue entre les différentes cultures et les différentes agricultures. Ces échanges fertiles permettent de faire germer des idées qui sont évoquées par la graine centrale du logo.

Suivez-vous sur Twitter @forumagri !